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Egalité entre les hommes et les femmes : intervention de Michèle Meunier

Thématique :

Date : 16 septembre 2013

Type de contenu : Intervention

Mme Michelle Meunie r, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plus d’un an, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire agissent ensemble pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays, pour la rendre concrète et vivante.

Vous l’avez fort bien dit, madame la ministre, avec force et sérénité : en 2013, il reste encore beaucoup à faire, et il est nécessaire d’aller plus loin, dans le souci de justice qui nous anime.

En effet, les femmes ont toujours des salaires et des droits sociaux inférieurs à ceux des hommes alors qu’elles font vivre, au moins autant que les hommes, l’économie de notre pays.

Une femme sur dix est victime de violences conjugales et, tous les deux jours et demi en moyenne, l’une d’entre elles est tuée par son conjoint ou ex-conjoint.

Les femmes représentent moins de 30 % des parlementaires, 15 % des maires et des conseillers généraux, 20 % des dirigeants d’entreprises, alors qu’elles constituent la moitié de la population française...

Il nous faut donc remettre l’ouvrage sur le métier de manière tenace et continue, car l’égalité est non négociable en démocratie : c’est même l’âme de la France ! Il incombe dès lors à la loi de la garantir concrètement sur l’ensemble de notre territoire, en métropole et outre-mer, et pour toute la population.

Telle est l’ambition de ce projet de loi, qui veut agir de manière transversale et globale pour réduire les discriminations qui touchent les femmes. Ce texte est utile, juste et très attendu. Je tiens donc à vous en remercier, madame la ministre.

Je souhaite, pour commencer, revenir sur deux grands axes de ce texte, l’égalité dans le monde du travail et la lutte contre la précarité des femmes, qui ont particulièrement retenu mon attention en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Nous ne le savons que trop, dans le secteur privé, les femmes ont un revenu salarial inférieur, en moyenne, de plus d’un quart à celui des hommes. Dans le secteur public, cet écart s’élève à 18 %.

Cette situation reflète, bien sûr, la disparité des situations sur le marché de l’emploi. Les femmes sont plus touchées par le chômage, occupent plus souvent des emplois à temps partiel et des postes dans des secteurs faiblement rémunérateurs et cumulant des critères de pénibilité. En outre, trop souvent, à poste et temps de travail égaux, leur évolution de carrière se situe très en deçà de celle de leurs collègues masculins. Nous devons donc agir concrètement afin de corriger cette situation discriminatoire et lourde de conséquences pour les femmes, sur toute la durée de leur vie, car l’ensemble des droits sociaux découlant du travail – je pense notamment à la retraite et aux indemnités journalières – sont aussi, de fait, amputés.

L’écart entre les carrières des femmes et celle des hommes se creuse davantage à l’occasion des maternités, ces périodes pouvant également causer l’exclusion durable des femmes du marché du travail, notamment des plus précaires face à l’emploi. Il faut donc favoriser le partage des tâches domestiques et éducatives dès l’arrivée d’un enfant.

Alors que le congé parental est une possibilité offerte aux deux parents, nous constatons, encore et toujours, que les bénéficiaires sont des femmes à 96 %. Leur retrait du marché de l’emploi leur est très préjudiciable.

C’est pourquoi je suis favorable à la modification du complément de libre choix d’activité, qui permettra de relever le niveau d’emploi des femmes en limitant leur temps de retrait de la sphère professionnelle, de favoriser un meilleur partage des responsabilités au sein du couple, et de contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sans lequel l’investissement des femmes sur le marché de l’emploi est difficile, voire impossible.

Le projet de loi prévoit également de renforcer l’égalité professionnelle, en introduisant l’exigence d’égalité pour se porter candidat aux marchés publics, en renforçant les dispositifs de protection des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant pour les collaborateurs et collaboratrices libéraux, en autorisant le déblocage, à titre expérimental, des droits accumulés sur un compte épargne-temps pour financer des services à la personne.

La commission des affaires sociales a proposé d’aller plus loin encore, en inscrivant dans la liste des traitements discriminatoires prohibés par le code du travail ceux liés à l’usage, par un salarié ou une salariée, de ses droits en matière de parentalité, mais également en étendant le champ du rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes aux questions de sécurité et de santé au travail.

Le projet de loi prévoit aussi de lutter très concrètement contre la précarité. Tel est le sens de la création d’une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. De nombreuses études sur le sujet le démontrent, les femmes comptent parmi les ménages les plus pauvres, en particulier les mères vivant seules avec leurs enfants à charge, notamment du fait du non-paiement ou du paiement partiel des pensions alimentaires par le père des enfants, paiement pourtant fixé par la loi. Le nouveau dispositif permettra de renforcer les moyens de recouvrer les dettes de ces pères, en s’appuyant sur un service de la CAF, une institution bien connue des familles, qui les accompagne déjà dans leur accès aux droits.

Ce dispositif va, sans nul doute, améliorer la situation de nombreuses familles. Vous l’avez dit, madame la ministre, aucune fatalité n’impose, après une séparation, que la situation économique du parent ayant les enfants à charge soit amputée de ressources légales dédiées à la prise en charge et à l’éducation des enfants.

Je l’ai dit au début de mon propos, ce texte a pour ambition de lutter de manière globale et transversale contre les inégalités et situations discriminantes dont les femmes sont victimes. Il n’aurait pu le faire véritablement sans aborder, comme il le fait en son titre III, la question des violences envers les filles et les femmes.

En effet, nous ne le disons pas assez, ces violences sont un véritable fléau dans notre pays. Je ne donnerai que quelques chiffres chocs : 80 % des victimes de violences sexuelles sont des femmes ; 50 % de ces violences sont commises sur des filles de moins de quinze ans, très majoritairement par un proche, masculin le plus souvent ; le nombre de viols de mineurs et majeurs est estimé à 190 000 par an en France ; les femmes et filles sont quatre fois plus exposées ; les viols sont majoritairement le fait d’hommes ou de garçons proches de la victime – de ce fait, ces derniers sont très peu dénoncés auprès de la justice, car les victimes sont prisonnières de l’emprise et de la peur. La loi du silence qui règne en maître protège les auteurs, puisque le nombre de plaintes est faible et les condamnations rarissimes – moins de 2 % des viols font l’objet d’une condamnation.

Cette réalité, nous devons la regarder en face : nous ne pouvons plus accepter qu’une enfant, une jeune fille, une adolescente, une femme soit exposée à la violence du seul fait qu’elle soit de sexe féminin. C’est tout simplement intolérable ! Il n’y a aucune fatalité à ces comportements ; il n’y a qu’habitude et éducation, nous le savons. Avec vous, madame la ministre, nous disons : « Non ! » La loi et son application stricte doivent condamner fermement ces faits d’un autre âge, résultant de la domination des hommes sur les femmes.

Au-delà du projet de loi qui nous réunit aujourd’hui, je veux insister sur la nécessité de progresser dans la définition plus précise des violences envers les femmes, car elles sont très particulières : elles sont le fait de proches dans la majorité des cas et se déroulent sans témoins. Les victimes sont soumises à l’emprise et à la peur, ce qui entrave leur discernement et leur capacité à agir. Ces violences mériteraient donc une définition et un traitement spécifiques, ainsi que l’ont fait certains pays comme l’Espagne ou le Brésil.

Des définitions précises, à l’instar de celle que nous avons élaborée pour le harcèlement sexuel, contribueraient à la prise de conscience, par les femmes elles-mêmes, des violences qu’elles subissent, et seraient également utiles aux professionnels qui les accompagnent dans le cadre médical, judiciaire et social.

En effet, les formes de violence sont multiples et se conjuguent : la violence physique, la violence psychologique, la violence sexuelle, la violence matrimoniale ou encore la violence morale.

La France vient de ratifier la convention d’Istanbul, texte de référence en matière de prise en charge des victimes de violences et de lutte contre les violences à l’égard des femmes. Il conviendrait – je n’ignore pas votre engagement sur ce point, madame la ministre – de faire concorder d’ores et déjà nos dispositions nationales avec ce texte majeur et ambitieux.

Il nous faut, surtout, avancer dans l’application effective de la loi sur la totalité de notre territoire. Je ne doute pas que Mme le garde des sceaux saura prendre en compte les manques souvent dénoncés par les associations accompagnant les victimes, pour valoriser et développer les pratiques favorisant un traitement judiciaire adapté et égalitaire des situations de violence dans tous les tribunaux de grande instance.

Je sais, madame la ministre, que vous lancez actuellement un grand plan de formation auprès de l’ensemble des professionnels concernés par l’accompagnement des filles et femmes victimes de violences, et je vous en remercie. Nous en attendons de grands progrès dans la prise en compte médicale et judiciaire des violences faites aux femmes et aux enfants.

Au-delà de la condamnation pénale des actes de violence, nous avons le devoir de proposer aux victimes les moyens médicaux et sociaux pour soigner les effets des traumatismes subis. La société a tout à y gagner. Nous devons par exemple inciter à la création, dans chaque département, de consultations post-traumatiques et permettre l’accès aux unités médico-judiciaires hors réquisitions.

Je conclurai en rappelant que, depuis la création du ministère des droits des femmes, nous constatons la mobilisation transversale, quotidienne, concrète, efficace du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce travail de longue haleine trouvera bien sûr son point d’orgue lorsque l’égalité réelle sera atteinte dans les instances décisionnelles et politiques, par la loi bien sûr, mais aussi par le changement des mentalités. Les prochains rendez-vous électoraux seront, je le souhaite, l’occasion d’un pas supplémentaire vers cette parité nécessaire à notre bon fonctionnement démocratique.

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