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Thématique : Culture/médias
Date : 1 octobre 2013
Type de contenu : Intervention
Mme Françoise Cartron :
« Présider la République, c'est partager le pouvoir de nomination aux plus hautes fonctions. C'est aussi ne pas nommer le président ou les présidents des chaînes ou des radios du service public audiovisuel et laisser cette mission à une autorité indépendante. » Cette promesse du candidat François Hollande est devenue un engagement présidentiel ; l'adoption des deux textes relatifs à l'indépendance de l'audiovisuel public que nous examinons aujourd'hui – le groupe socialiste les soutient pleinement – permettra qu'elle soit tenue.
Il s'agit tout d'abord de revenir sur la réforme portée en 2009 par Nicolas Sarkozy, qui s'était arrogé le pouvoir de nommer seul les trois présidents de l'audiovisuel public. Ce faisait, l'ancien président de la République allait à contre-courant de l'Histoire, qui à appelait plus de liberté, à contre-courant de l'évolution de l'encadrement des médias, secteur dans lequel le juge constitutionnel et les instances européennes exigent sans cesse davantage de pluralisme et d'indépendance, et même à contre-courant de son propre parti, puisque M. Copé, qui était à la tête de la commission pour la nouvelle télévision publique, n'avait pas soutenu une telle option. D'ailleurs, cette décision a abouti à des résultats contraires aux objectifs affichés : le mode de nomination retenu a jeté le soupçon sur le mandat des dirigeants de l'audiovisuel et a eu pour effet de les fragiliser au lieu de les conforter.
Je constate d'ailleurs qu'aucun amendement n'a été déposé pour maintenir le mode de désignation actuel. Peut-être faut-il y voir l'une des manifestations du travail d'inventaire qui est mené actuellement…
L'audiovisuel public ne peut en aucune manière apparaître comme étant soumis à la tutelle non seulement administrative, mais également financière de l'État. (Mme Sophie Primas s'exclame.) C'est pourquoi l'article 6 nonies du projet de loi revient également sur la disparition totale de la publicité, prévue pour 2016.
La suppression de la publicité après vingt heures a produit des effets néfastes. Les ressources attribuées en contrepartie n'ont jamais été à la hauteur des promesses et des besoins. D'ailleurs, elles sont aléatoires et liées au bon vouloir des pouvoirs publics, puisqu'elles sont budgétisées.
Un tel déséquilibre a déstabilisé durablement l'indépendance financière des trois sociétés et, plus particulièrement, celle de France Télévisions. N'aggravons pas la situation !
L'objectif général des textes dont nous débattons est bien de poser les fondements d'un nouveau service public, qu'il s'agit ici de réparer et de refonder, à l'instar de ce que nous avons fait dans d'autres domaines, notamment l'école.
Un service public de l'audiovisuel moderne est nécessairement plus indépendant.
C'est pourquoi, sur l'initiative de notre rapporteur, dont je salue d'ailleurs l'engagement de longue date sur le sujet et le travail récent sur ces deux textes, une révision constitutionnelle a fait figurer le pluralisme et l'indépendance des médias parmi les libertés fondamentales que la loi doit garantir.
Nous le savons, l'indépendance de l'audiovisuel public passe nécessairement par l'indépendance et l'impartialité des décisions prises par l'instance chargée de faire respecter un tel principe, en l'occurrence le Conseil supérieur de l'audiovisuel !
Comme le souligne M. le rapporteur, le CSA, qui doit constituer un filtre indispensable entre le pouvoir politique et les médias audiovisuels, devient une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, ainsi que de moyens propres, pour plus de réactivités. Le mode de désignations de ses membres est également modifié, toujours dans le souci d'une plus grande impartialité.
Le rôle du Parlement est également renforcé, qu'il s'agisse de l'encadrement ou du processus de nomination. Ainsi, les commissions parlementaires compétentes devront approuver à une majorité des trois cinquièmes six des sept membres du nouveau CSA. Essayons d'appliquer cette règle de majorité qualifiée à notre commission : nous voyons bien qu'un consensus large devra être trouvé, au-delà des majorités traditionnelles.
Un tel mode de nomination est inédit. Il fera du CSA la plus indépendante des autorités indépendantes.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont pu jouer tout leur rôle dans l'élaboration même des textes. De nombreuses dispositions ont été introduites par les parlementaires et, contrairement à ce qui a été prétendu, ont fait l'objet d'un véritable examen de fond.
Je le rappelle, en 2009, certaines mesures étaient entrées en application avant même que nous ayons pu en débattre ! Oui, il s'agit d'un véritable changement de méthode ! Nous allons discuter aujourd'hui en séance publique des dispositions proposées. Le groupe socialiste présentera plusieurs amendements.
Par ailleurs, le rapport annuel du CSA, enrichi, sera désormais présenté devant nos commissions en audition publique. Un avis sur les contrats d'objectifs et de moyens devra être rendu par le Parlement et le CSA ; il sera publié.
En outre, pour répondre à l'impératif d'indépendance, un critère de compétence professionnelle a été introduit pour les nominations. Le champ des incompatibilités a été étendu et précisé. Dans cette logique, un rapporteur indépendant du collège du CSA est créé. Il sera issu de la magistrature administrative et aura pour mission d'instruire les dossiers de poursuites et de sanctions.
C'est dans un cadre redéfini que la nomination des présidents-directeurs généraux de l'audiovisuel public français, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, est de nouveau confiée à un CSA rénové, garant de la liberté de communication. Plus indépendant, le CSA sera plus légitime et pourra, par conséquent, avoir des compétences élargies.
D'une manière générale, la réforme confère au Conseil supérieur de l'audiovisuel un rôle de régulation économique bien supérieur à celui qu'il exerçait jusqu'à présent, et ce dans un cadre réglementaire assoupli pour faire face aux évolutions technologiques rapides du secteur. L'ensemble reste toutefois encadré, afin que le respect du pluralisme ne s'oppose pas à la préservation des équilibres des marchés publicitaires.
C'est ce qui a été rappelé durant les auditions. Le message a été reçu. Le Sénat a ainsi décidé qu'une étude d'impact serait automatiquement menée et que les acteurs du secteur seraient consultés avant validation des conditions dans lesquelles le CSA pourrait autoriser le passage d'une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite. Le groupe socialiste a d'ailleurs déposé un amendement visant à préciser les conditions de mise en œuvre de l'étude d'impact, pour toute évolution de convention.
Je me félicite en outre de l'adoption en commission d'un amendement visant à faire respecter la parité dans la désignation des administrateurs de France Télévisions, Radio France et l'AEF.
Cette avancée fait écho au projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, que le Sénat a voté à une large majorité, et, plus généralement, aux engagements du Président de la République quant à la reconnaissance de la juste place des femmes dans notre société.
Ce texte est un socle qui, en renforçant la légitimité et l'indépendance à la fois des présidents de l'audiovisuel public et du CSA, permettra de bâtir un service public de l'audiovisuel tourné vers l'avenir.
L'indépendance devra bien évidemment être complétée ; d'autres dispositions concernant tant l'audiovisuel public que l'ensemble du secteur des médias et des contenus culturels devront suivre. Elle constitue néanmoins la base préalable de toute autre réforme possible, dans une démocratie désormais apaisée.
Marie-Christine Saragosse, auditionnée par la commission de la culture, nous a livré une belle définition de l'indépendance, qui pourrait être une réponse à l'interrogation de notre collègue Jean-Pierre Leleux : l'indépendance, c'est l'équilibre entre la liberté, la responsabilité et la confiance. C'est tout l'enjeu de ces textes, que le groupe socialiste votera évidemment avec enthousiasme.