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Thématique :
Collectivités territoriales
Culture/médias
Date : 27 octobre 2015
Type de contenu : Intervention
M. Georges Labazée :
Monsieur le président, madame la ministre, vous vous en souvenez, un collègue de mon département s'était mis à chanter dans sa langue natale à la tribune de l'Assemblée nationale. Vous connaissez son nom,…… sinon vous pourrez le retrouver dans les archives. Je ne vais pas chanter en béarnais ou en occitan, mais je voudrais commencer mon propos en disant : « Mo ss su l o pr e sident , dauna Taubira, daunas et mestes »… Vous avez compris ?
Intervenir après deux heures et demie de débats autour des langues et cultures régionales à propos de ce projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires m'amènerait à rappeler ce qui a déjà été dit à de nombreuses reprises dans l'après-midi. Je pourrais, par exemple, mentionner les dates, de l'adoption de la Charte en 1992 en passant par la décision du gouvernement Jospin de la signer en 1999. Depuis, seize années ont passé et rien n'a été fait. Je vais donc oser une métaphore : cette charte serait-elle un caillou dans la chaussure de la France ?
D'ailleurs, les pays nouvellement admis dans l'Union européenne se voient contraints de la signer et, de surcroît, de la ratifier. La majorité des grandes nations européennes – le Royaume Uni, l'Allemagne, l'Espagne et bien d'autres – l'ont ratifiée.
La Charte, quoi qu'en disent les souverainistes de tout poil, ne menace en rien l'unité de la nation, donc de la République. Elle ne crée pas un droit spécifique pour les groupes ou communautés, distincts de la communauté nationale.
Cela a été dit, la République peut être une politiquement et diverse linguistiquement et, par conséquent, culturellement. Si elle veut vivre encore et toujours, elle se doit de ne pas être oublieuse de ce qui l'a constituée et la constitue aujourd'hui encore : les langues régionales sont consubstantielles à la République et doivent donc être considérées comme telles.
La plupart de ces langues, cela a été répété, et tout particulièrement l'occitan, sont menacées d'extinction dans les vingt ans à venir. Ce ne sont pas les militants enfiévrés qui le disent, c'est l'UNESCO !
Que veut-on au juste ? Les voir mourir lentement, mais sûrement… et donner ainsi à notre République l'image d'un système politique incapable d'accepter la diversité linguistique qui lui a été octroyée par l'histoire ? L'occitan a plus de mille ans d'existence, et le basque encore plus.
Ou veut-on qu'elle s'offre enfin la possibilité de se grandir et d'exister au-delà de toutes les crispations « nationalistes », ce terme a été utilisé au cours de l'après-midi ?
Car, à exclure ces langues de la maison France, la République s'ampute d'une partie de son histoire, de son identité, de son dynamisme.
Avec mes parents, durant toute leur vie, je n'ai parlé qu'en béarnais, une déclinaison de l'occitan. Pourtant, cela ne m'a pas empêché d'exercer mon métier d'enseignant au service de l'éducation nationale, ni d'épouser une carrière politique et de m'exprimer en français devant vous.
Ces langues ont non seulement des primo-locuteurs, des nouveaux locuteurs, que l'enseignement certes chaotique fait naître – je pense ici à toutes les écoles immersives –, mais elles possèdent aussi des écrivains, des poètes, des artistes, créateurs de renommée internationale – je ne citerai que Bernard Manciet. Elles sont, par essence, universelles.
Mossu lo president de la comissio de las leys , qu' abeth compres …
Que vau paosa ue questio ? Vous comprenez ?
Ço qu' abeth dit en l' hora … ey vertat o pas ? (ce que vous avez dit tout à l'heure… est-ce vrai ou pas ?)
Qu' em comprenet ? Vous me comprenez ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Quep trufat de nosauts (vous vous moquez de nous…) – mais gentiment.
Permo qué hie encoero que yabé 20 000 personas a Montpellier … et aillos ta defende la lengua . (parce que hier encore il y avait 20 000 personnes à Montpellier… et ailleurs pour défendre la langue.)
Je pourrais continuer encore, mais le temps qui m'est imparti est pratiquement épuisé.
J'en termine, monsieur le président, mais comme je me suis exprimé en deux langues, cela m'a pris quelques secondes supplémentaires. (Sourires.)
Madame la ministre, pour clore mon propos et cette discussion qui dure depuis trois heures, permettez-moi de citer Patrick Chamoiseau, prix Goncourt en 1992.
En effet, un hymne au créole, sa langue maternelle : « C'était un temps où la langue créole avait de la ressource dans l'affaire d'injurier.
« Elle nous fascinait, comme tous les enfants du pays, par son aptitude à contester l'ordre français régnant dans la parole. Elle s'était comme racornie autour de l'indicible, là où les convenances du parler perdaient pied dans les mangroves du sentiment.
. « Avec elle, on existait rageusement, agressivement, de manière iconoclaste et détournée. »