Monsieur le Président, madame la Première ministre, mes chers collègues,
Permettez-moi de commencer ce propos par une citation :
« La violence, il faut la dénoncer, il faut la vomir, il faut l’isoler. Ce n’est pas la voie des démocraties » ces mots prononcés par le Premier Ministre Ytzakh Rabin le 4 novembre 1995, lors du grand meeting pour la paix, place des rois d’Israel à Tel Aviv résonnent en nous dans cette terrible actualité. Quelques minutes plus tard, Ytzakh Rabin était assassiné.
Les heures sombres de l’obscurantisme sont de retour. Les actes terroristes qui ont été perpétrés le 7 octobre dernier doivent nous révolter. Je vous invite à écouter les mots du Colonel Weissberg, en charge de l’opération d’identification des victimes « Que dire lorsque vous découvrez le corps d’une femme enceinte tuée par un terroriste qui lui a ouvert le ventre, puis en a extrait le fœtus avant de leur couper la tête à tous les deux ? Et que dire encore face aux corps de mères ou de grand-mères qui ont été violées sauvagement ? ». Le massacre de femmes, d’hommes et d’enfants dans des kiboutzim doivent nous révolter. De la même manière des enfants qui meurent sous des bombardements, des civils privés d’eau, d’électricité et de nourriture, toute une population prise en étau doit nous révolter.
De telles atrocités doivent être nommées et dénoncées. Ne pas le faire serait insupportable et inexcusable, même si nous avons identifié le fait générateur, celui d’une organisation terroriste qui depuis 2007 pratique la tyrannie y compris contre le peuple qu’elle est censée représenter. Israël a le droit et le devoir absolu d’éliminer cette émanation sanguinaire de l’hydre islamiste qu’est le Hamas. J’ai entendu ce matin les mots du Président de la République visant à créer une coalition internationale, à l’instar de celle qui existe contre Daech.
Les actes qui ont été commis par le Hamas sont souvent qualifiés d’indicibles mais, pour moi, ils doivent être nommés de manière très claire : ces monstruosités constituent les pires horreurs que le monde ait connu depuis les années 1990 durant lesquelles eurent lieu le génocide rwandais et le massacre de Srebrenica. C’est l’acte génocidaire le plus important contre le peuple juif depuis la Shoah et le temps des pogroms.
Les milliers de civils palestiniens, morts en raison des représailles israéliennes contre le Hamas sont tout aussi insupportables.
Toute vie sacrifiée est un drame pour l’humanité.
Mais la sidération ne doit pas nous paralyser. Au contraire, nous devons nous élever et constituer de véritables remparts contre les forces obscurantistes. Car le Hamas n’est pas une représentation politique. C’est une organisation terroriste qui vise l’islamisation totale en détruisant notre modèle de société. Il cherche non pas à exterminer l’État d’Israel mais à exterminer tout juif, comme toute personne qui n’accepterait pas de se soumettre à sa loi. Je vous invite à lire ou à relire les 36 articles de la charte du Hamas.
Aucune solution politique n’est envisageable avec une telle organisation qui refuse toute forme de négociation diplomatique ; Après les attentats de Paris, notre lutte contre Daech comporte bien des similitudes avec la situation présente.
Et pourtant, pour les civils et les otages, il faut avoir du courage, avec pour seuls mots d’ordre : pacifier, protéger, obtenir un cessez-le-feu, à défaut assurer un couloir humanitaire solide. Nous supposons que c’est l’objet du déplacement du Président de la République même si nous aurions préféré que cette nécessaire visite puisse se dérouler après la fin du débat au Parlement. Croyant à la parole de la France, nous espérons ne pas être déçus par les résultats effectifs de cette visite.
Le Hamas nous replonge dans toute la noirceur de la guerre ravivant la mémoire des pires épisodes de notre Histoire. Comme Daesh, le Hezbollah, le Djihad islamique, Al Qaida ou Boko Haram, le Hamas est l’un des bras armés d’une conquête internationale au profit d’un régime totalitaire. C’est la résurgence du mouvement islamiste qui parvient à se réinventer chaque jour avec les soutiens que sont le Qatar ou l’Iran. Israel, ne nous trompons pas, quelles que soient nos réserves sur les méthodes militaires, représente actuellement le premier bouclier contre ce projet politique et vient d’en être à nouveau la première victime.
Le bilan des victimes françaises tuées dans les attaques du 7 octobre dernier est tragique avec trente morts et sept disparus dont certains sont des otages avérés, aux mains du Hamas. Jamais autant de Français n’ont été victimes du terrorisme depuis les attentats de Nice en 2016.
Pour autant, ne faisons pas d’amalgames mes chers collègues. Dans notre pays, les partisans de la création d’un état islamique ne sont qu’une extrême minorité mais chaque acte terroriste est un traumatisme national. Je tiens à le rappeler et à le souligner dans cette période où les tensions communautaires sont exacerbées. Le conflit en cours au Proche Orient ne doit pas s’importer sur notre territoire comme un conflit entre religions. Notre responsabilité en tant que politiques est de veiller à ce qu’aucune discrimination, aucun amalgame ne soit admis.
Pas d’amalgame mais pas d’angélisme non plus : la tolérance zéro doit s’appliquer. Face à l’antisémitisme comme face à toute discrimination à l’encontre de nos compatriotes de confession musulmane.
Le principe de laïcité, qui est au cœur de notre république, impose le respect et la protection de l’attachement des croyants à la Bible, au Coran ou à la Torah mais aucun des préceptes de ces livres sacrés ne peuvent être considérés comme supérieurs à la loi de la République. Aristide Briand résumait cela en disant « la loi protège la foi tant que la foi ne dicte pas sa loi ». Transiger avec ces principes, c’est affaiblir durablement notre pacte républicain. Transiger avec ces principes, c’est faire mourir une deuxième fois Samuel Paty et Dominique Bernard.
L’assassinat de ce dernier il y a onze jours à Arras, moins d’une semaine après les attaques du Hamas témoigne des risques qui pèsent en France. Cet attentat doit nous alerter sur l’absence de risque zéro face à la menace terroriste mais nous oblige également sur notre devoir de mettre en place des mesures de précaution et de prévention. La sanction est nécessaire mais quels sont nos moyens de lutter contre la radicalisation, notamment chez les jeunes ? Exclure des élèves de nos établissements scolaires pour comportement inacceptable lors de la minute de silence à la mémoire de Dominique Bernard, bien sûr, mais après ?
La prévention du poison totalitaire qui infecte des cerveaux perméables à cette idéologie mortifère doit être au cœur de notre action. S’il existe des proies dans nos villes et quartiers, c’est qu’existent des prédateurs et n’oublions jamais que 75% des attentats islamistes commis dans notre pays, l’ont été par des Français.
Notre république ne peut s’accommoder de devoir protéger des compatriotes du fait de leur religion, érigée en identité. En faisant cela, c’est notre pacte républicain et notre principe du vivre ensemble qui sont menacés voire totalement niés. C’est la même chose lorsque l’on s’attaque à l’un de nos compatriotes car il est professeur et qu’il représente notre institution nationale porteuse d’émancipation et en charge d’éclairer, de forger les esprits critiques.
Les semeurs de terreur ont horreur de nos lumières, de la démocratie, de la laïcité, de la liberté d’expression ou encore du droit absolu des femmes de disposer de leur corps.
J’en reviens pour terminer à la situation du conflit israelo-palestinien : depuis trente ans, la solution à deux états n’est toujours pas mise en oeuvre. Depuis 1995, et l’assassinat d’Ytzhak Rabin par un ultra-nationaliste, l’esprit des accords d’Oslo n’est qu’un vague souvenir qui se dissipe dans les vapeurs de l’escalade des violences.
La politique actuelle du gouvernement israélien n’est pas exempte de critiques. La tendance actuelle est effectivement inquiétante et répond à une réelle radicalisation politique. Il nous faut condamner avec fermeté les choix opérés depuis de trop nombreuses années qui mettent en péril toute résolution du conflit. Ces choix contribuent à exacerber les tensions, empêchent toute perspective pour la jeunesse palestinienne privée de tout espoir d’émancipation. Les réactions désespérées de cette jeunesse confortent ensuite l’extrême droite israélienne dans sa politique d’annexion. L’engrenage est sans fin.
Ce cercle vicieux condamne toute avancée sur le chemin de la paix. J’ai été horrifié d’entendre il y a quelques jours ces mots d’un père vivant dans un village dirigé par le Hezbollah dans le sud Liban, qui venait de perdre son fils lors d’une incursion en Israel : « La Palestine a besoin du sang de ses martyrs ».
En tant que socialistes, nous soutenons la reconnaissance de deux états souverains ; c’est le seul chemin que nous devons emprunter, collectivement.
Les progressistes palestiniens comme la gauche israélienne qui reste puissante, doivent œuvrer dans le sens d’une résolution durable de ce conflit et il est de notre rôle de soutenir toute initiative de leur part. Nous devons relayer ces démarches positives, appelant à combattre la surenchère, favorisant le dialogue et apaisant les tensions intercommunautaires. Je pense aux guerrières de la paix, à Women Wage Peace et à tous ces organismes qui proposent de tisser des liens et de créer des ponts plutôt que des murs entre les deux côtés.
Ces militants de la paix sont souvent combattus férocement par les forces extrémistes des deux camps. Cela témoigne de la pertinence de leur juste combat.
Oui, il faut favoriser une reprise du dialogue. Pour cela, du côté palestinien, une véritable force démocratique et une construction politique tournant notamment le dos à la corruption sont nécessaires. Ne pas l’encourager, ne pas la favoriser reviendra de fait à fragiliser la démocratie israélienne ; Sans ces prérequis, aucune négociation n’est possible.
La France et l’Europe doivent insuffler une dynamique. Nous devons collectivement tout mettre en œuvre pour installer un climat de désescalade. Le rapport sénatorial de décembre 2022 porté par la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et son président de l’époque Christian Cambon, que je salue, est très inspirant tant dans son diagnostic que dans ses perspectives et recommandations. Après s’être rendus sur place, le but des auteurs du rapport était de s’interroger sur les chances de reprise d’un dialogue autour de la solution à deux États. Les conditions d’une nouvelle feuille de route ont été clairement définies. Il faut les relire.
En attendant un retour sur le chemin de la raison, ce sont les peuples d’Israël et de Palestine qui sont pris en otages ; une prise d’otages idéologique aux conséquences mortifères. Ce sont les enfants de ces deux peuples qui subissent les foudres de la violence. Ce sont les enfants de ces deux peuples qui seront marqués dans leur chair, au fer rouge de la guerre. Et pourtant ce sont les enfants de ces deux peuples qui ont la lourde charge de mettre un terme à cette guerre sans fin.
Les solutions existent. Elles reposent sur l’esprit de raison, le respect mutuel et la foi inébranlable en un avenir de paix.