La réflexion sur la taxation des rentes, ou comment biaiser un débat économique fondamental et nécessaire…

Les difficultés financières dans lesquelles le Gouvernement a conduit le pays depuis 2017 se traduisent aujourd’hui par une remise en cause de sa doctrine fiscale. En effet, force est de constater que même dans le camp présidentiel, la démarche de baisse forcenée des impositions, notamment celles affectant les plus aisés et les grandes entreprises, est remise en cause. Désormais, seul Bruno Le Maire s’arcboute sur cette logique qui a démontré au mieux son inutilité, au pire ses effets récessifs et fracturant sur le plan social.

La majorité présidentielle a dans ce contexte pris la décision d’ouvrir des réflexions sur la taxation des rentes. On peut de prime abord se dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle qui donne raison aux Socialistes et aux propositions portées plus largement depuis plusieurs années désormais par la gauche. A ce stade, je demeure sceptique pour deux raisons. En premier lieu, il n’y a pas de meilleur moyen d’empêcher une réforme que de créer des comités de réflexion et de décréter qu’il est urgent de ne rien faire. En la matière pourtant, nous disposons de tous les éléments de réflexion nécessaire à une prise de décision politique. Le choix est simple : doit-on ou non nous engager un rééquilibrage de notre structure de recettes fiscales ? La réponse est évidemment : « oui » mais le Gouvernement souhaite temporiser autant qu’il le peut. Il ne s’agit pourtant pas d’une lubie de gauchiste acharné : le consensus se fait aujourd’hui même sur les bancs du camp libéral et des institutions réputées orthodoxes sur le plan économique. Il ne manque en somme que le courage de faire.

Le second élément est sémantique mais sa conséquence est notable sur le plan politique. Parler de taxation des rentes relève de l’orientation politique, car cela ne concernerait en définitive que certaines parties de la base taxable au titre de la taxation du capital. Et au surplus, la définition juridique et politique d’une rente est évidemment sujette à interprétation. Sous couvert de toujours préserver au maximum les plus aisés, le Gouvernement oriente ainsi le débat économique et politique pour en limiter la portée.

Dès 2019, j’avais commis un rapport pour la Commission des finances du Sénat relatif à la transformation de l’ISF – Impôt de solidarité sur la fortune, en IFI – Impôt sur la fortune immobilière et à la mise en place de la « flat tax ». Depuis lors, de nombreuses études économiques démontrent la même chose : si selon l’adage « trop d’impôt tue l’impôt », la France est caractérisée par un niveau d’imposition du capital relativement faible qui pourrait être augmenté sans risque réel d’évasion des capitaux.

Alors que nous manquons cruellement d’argent public, rejeter le débat sur les niveaux de taxation du capital puis organiser un débat parfaitement biaisé témoigne d’une démarche irresponsable sur le plan économique et cynique sur le plan politique.

Nous avons besoin d’une remise à plat de la fiscalité, pour davantage de progressivité et de redistribution, en particulier en ce qui concerne la taxation du capital. Nos propositions sont sur la table depuis de nombreux mois, au gouvernement de décider et surtout d’assumer ses décisions devant les Françaises et les Français.

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