Comme chaque année, la Cour des comptes s’est livré à une analyse quantitative intéressante des dépenses fiscales, plus communément appelées « niches fiscales ». Si ce sujet est sans conteste récurrent, il acquiert aujourd’hui, en pleine crise financière, une acuité toute particulière.
Il faut commencer à cet égard par rappeler qu’une dépense fiscale est avant tout un mécanisme dérogatoire visant à accorder à un particulier ou à une entreprise un avantage fiscal. Très concrètement, il s’agit de réduire la fiscalité applicable à certaines dépenses ou à certains comportements. De facto, cela induit cependant une inégalité de traitement fiscal, que celle-ci soit fondée politiquement ou plus contestable. Enfin, cela se traduit indubitablement par une complexification significative d’une loi fiscale qui en devient parfois opaque pour ne pas dire obscure.
Une niche fiscale est évidemment un outil légitime de politique publique en ce qu’il permet de jouer sur le comportement des acteurs économiques et d’encourager des pratiques. On peut cependant s’interroger à deux niveaux quant à leur pertinence.
En premier lieu, il existe parfois des mécanismes d’action publique qui permettrait d’aboutir au même résultat sans complexifier pour autant une loi fiscale qui devrait rester la plus simple possible car elle est l’un des fondements de notre pacte social et de notre vivre ensemble.
En second lieu, dans une période de raréfaction de l’argent public, on peut s’interroger sur la pertinence qui existe à mettre en place des mécanismes visant à rétribuer les « bons élèves » quand il serait parfaitement possible à l’inverse, de pénaliser celles et ceux qui n’intègrent pas l’intérêt général dans leurs comportements. Cela est d’autant plus le cas que la théorie du ruissellement initialement mise en avant par le Gouvernement est un échec. Les allègements fiscaux et financiers sur les plus aisés n’ont pas d’effet économique positif pour l’ensemble du pays.
Ainsi, s’il est toujours difficile de remettre en cause les dépenses fiscales une fois qu’elles sont en place, cet effort politique devient chaque jour un petit peu plus urgent. Et cela d’autant plus qu’il ne s’agit sans doute pas de bouleverser l’intégralité de ces mécanismes. En effet, la Cour des comptes dénombre en 2023 un total de 443 « niches » ayant un impact sur les recettes fiscales de l’État pour un total de 81,3 milliards d’euros de moindres recettes. Certes.
Cependant, 15 niches fiscales représentent, à elles seules, 53% de ce montant, soit 43,3 milliards d’euros. C’est sans doute là qu’il faut agir en priorité. Parmi les trois plus importantes en volume, deux sont par ailleurs extrêmement contestées : le Crédit impôt recherche (CIR) et le mécanisme de taxe au tonnage pour le transport maritime, représentant à elles seules un peu moins de 13 milliards d’euros.
Alors que le Gouvernement cherche activement une vingtaine de milliards d’euros pour équilibrer son budget, il s’agirait sans doute d’un premier pas intéressant, permettant de faire plus de la moitié du chemin vers la rationalisation budgétaire !