Les ruralités, grandes oubliées d’un État qui les abandonne année après année.

Chaque année, à la lecture du projet de loi de finances (PLF), les territoires ruraux constatent avec amertume qu’ils ne bénéficient pas de la même attention que les zones urbaines. Alors que les grandes métropoles continuent de capter la majorité des financements et des investissements publics, nos ruralités subissent de plein fouet les conséquences d’un désengagement chronique de l’État.

Il ne s’agit pas ici d’opposer ville et ruralité, mais d’exiger que nos ruralités soient considérées à la hauteur de leur importance et de leurs besoins. Cet oubli se traduit par un accès insuffisant aux services publics, des infrastructures vieillissantes, un réseau de transport inadapté, une offre culturelle marginalisée, et des moyens de développement économique fragilisés.

Cette négligence alimente la montée de l’extrême droite, qui se normalise dans les campagnes, tandis que la gauche s’y trouve diabolisée, perçue comme une élite déconnectée qui impose son mode de vie. Depuis les métropoles, on dicte comment il faut manger, se loger ou se déplacer, sans comprendre la réalité des territoires ruraux.

Ce déséquilibre est d’autant plus frappant que nos territoires ruraux sont confrontés à des défis structurels majeurs. Déclin démographique, désertification médicale, recul des services publics, dégradation des routes et infrastructures locales, les exemples sont nombreux. Pourtant, ces territoires jouent un rôle crucial dans notre souveraineté alimentaire, sont des espaces d’innovation en matière de transition écologique et deviennent des lieux de vie attractifs face à un exode urbain croissant.

Les ruralités, par leur nature même, sont à la croisée des enjeux environnementaux et sociaux de demain. Elles jouent un rôle essentiel dans la protection de nos paysages, la gestion des ressources naturelles et la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Pourtant, il existe un écart criant entre les engagements écologiques affichés par le Gouvernement et le manque de moyens accordés aux territoires ruraux pour les concrétiser.

Pour exemple, le Fond vert qui manquait déjà scrupuleusement d’ambition diminue fortement dans le budget 2025. Celui-ci ne se verra gratifier que d’un milliard d’euros, contre 2,5 milliards d’euros en 2024. On estime que les collectivités locales devront investir 11 milliards d’euros supplémentaires par an en moyenne d’ici à 2030, par rapport à 2022, pour répondre aux enjeux climatiques. Il est donc irresponsable de laisser un projet de loi de finances ignorer les communes rurales, alors que le défi est immense.

Récemment, les médias ont révélé que le Gouvernement avait comme piste d’économie de réduire de manière significative sa contribution au contrat de présence postale territoriale, avec une coupe budgétaire de 50 millions d’euros pour l’année 2024 ainsi que pour les deux suivantes. Cette décision aura des conséquences lourdes pour les communes rurales, qui se retrouveront contraintes d’assumer seules la charge financière nécessaire au maintien d’un service postal de proximité. Dans un contexte où les services publics se raréfient déjà dans les territoires, cette mesure risque d’accentuer les inégalités. Les maires, déjà confrontés à des difficultés budgétaires croissantes, pourraient ne plus être en mesure de garantir un accès équitable aux services postaux pour leurs administrés, créant ainsi un nouveau fossé entre les territoires.

Le Gouvernement prévoit d’impliquer les collectivités dans le redressement des comptes publics à hauteur d’environ 5 milliards d’euros. Si ce redressement est nécessaire compte tenu du déficit actuel de l’État, il ne doit cependant pas se faire au détriment de l’investissement des collectivités. Bien que le fonds de précaution envisagé ne concerne pas directement les petites villes rurales, puisqu’il ne s’appliquera qu’aux collectivités dont les dépenses de fonctionnement dépassent 40 millions d’euros, le gel de la dynamique de la TVA pourrait fortement pénaliser les petites villes, mettant en péril leurs plans de financement pour 2025.

Le PLF 2025 doit prendre en compte les spécificités et les besoins urgents de nos territoires. Il est temps que la parole politique se traduise en actes concrets et que des financements à la hauteur des enjeux soient octroyés.

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