Souveraineté alimentaire : l’autonomie européenne ne doit pas passer par une remise en cause du Pacte vert

Le 30 mars 2022, les deux commissions des affaires économiques et des affaires européennes ont examiné conjointement une proposition de résolution européenne (PPRE) sur le Pacte vert et l’autonomie alimentaire de l’Union européenne au regard de la guerre en Ukraine.

Déposée par la droite LR sénatoriale, cette PPRE prône purement et simplement la remise en cause des deux stratégies européennes déclinant le Green deal européen – à savoir « De la ferme à la fourchette » et « Biodiversité » – ainsi que de la future PAC qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023.

Inscrite à la hâte le 26 mars à l’ordre du jour des deux commissions, sans aucune consultation ou information préalables, cette PPRE électoraliste vise, par effet d’aubaine, à donner des gages à certains acteurs économiques fermement opposés depuis toujours à la mise en œuvre du pacte vert européen.

Bienveillante jusqu’ici à l’égard de la politique agricole du gouvernement, la droite sénatoriale prête aujourd’hui tous les maux à la stratégie agricole européenne, porteuse selon elle « d’une vision décroissante » risquant « d’aboutir à une désastreuse réduction de notre potentiel agricole ». Elle occulte ainsi totalement le fait que la stratégie de la ferme à la fourchette fait de l’autonomie alimentaire une priorité et surtout que l’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons nécessite une réorientation de notre modèle de production qui doit être vue comme un levier de développement et non comme une contrainte.

Les sénateurs socialistes, écologistes et républicains se sont opposés à l’adoption de cette PPRE. Si la crise en Ukraine et ses conséquences posent nécessairement la question de l’autonomie alimentaire de l’Union européenne, elle ne doit pas pour autant servir de prétexte aux défenseurs d’une agriculture exclusivement productiviste qui souhaitent supprimer toutes ambitions environnementales dans la politique agricole.

Ils regrettentprofondément que les crises successives – à commencer par celle du COVID – n’aient pas été l’occasion de réorienter notre modèle agricole et agroalimentaire vers davantage de durabilité, de résilience face aux aléas et d’une montée en gamme de nos productions. L’éco-conditionnalité des financements publics auraient, par exemple, dû être au cœur de l’action du Gouvernement dans le cadre du PSN de la PAC.

La guerre en Ukraine appelle des réponses urgentes et structurelles pour venir en aide aux populations en souffrance. Dans l’intérêt du développement des peuples, elle doit aussi nous questionner sur la contribution du modèle agricole européen à l’autonomie alimentaire des nations. Dans ce cadre et pour y parvenir, il existe d’autres solutions que la seule productivité à tout prix. Les manœuvres politiciennes visant à instrumentaliser le conflit actuel ne sauraient donc être acceptées en l’état. La crise actuelle appelle des réponses à la hauteur des enjeux. Saisissons plutôt cette opportunité pour engager une réflexion visant à répondre aux enjeux de long terme dont l’alimentation doit être, partout dans le monde, un facteur de paix et de stabilité.

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