Zéro artificialisation des sols

Paris, le 17 mars 2023

Une proposition de loi pour enfin revoir la méthode et mieux accompagner les élus locaux

PPL visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires

Promulguée en août 2021, la loi Climat et résilience a instauré l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols d’ici 2050. S’ils partagent cet objectif de sobriété foncière, les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) dénoncent un manque total d’écoute de la part du Gouvernement de la crainte exprimée par les élus locaux, en première ligne pour la mise en œuvre de cet objectif. Ils ont coconstruit une proposition de loi afin de mieux accompagner les élus et prendre en compte les diversités locales.

Le texte en détails

Le chapitre Ier vise à favoriser le dialogue territorial autour de l’application du « ZAN » et à renforcer la gouvernance décentralisée de la politique de lutte contre l’artificialisation.

L’article 1er définit un calendrier plus réaliste pour l’évolution des documents de planification et d’urbanisme de la Région, des intercommunalités et des communes en application des objectifs du « ZAN ». Il détend ainsi les délais de modification des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), des schémas d’aménagement régional (SAR), du plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) et du schéma directeur de la région d’Île-de-France (SDRIF) en repoussant d’un an la date avant laquelle les documents modifiés devront entrer en vigueur. En conséquence, il décale également d’un an les délais qui s’imposeront à la modification « en cascade » des schémas de cohérence territoriale (SCoT), des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des cartes communales. Pour laisser davantage de temps au dialogue territorial et à la concertation entre Région et bloc communal, il accélère en parallèle la procédure qui encadre la modification des SRADDET, en réduisant de trois à un mois le délai laissé au préfet pour approuver le document et en autorisant la tenue simultanée de la consultation du public et celle des personnes publiques associées.

L’article 2 restaure l’esprit de la loi « Climat-résilience » votée par l’Assemblée nationale et le Sénat en juillet 2021, en rendant aux collectivités territoriales la souplesse nécessaire à l’application différenciée des objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation. Il précise ainsi de manière explicite que les dispositions des règles du fascicule du SRADDET ou du SAR relatives à la lutte contre l’artificialisation s’appliquent aux SCoT, aux PLU et aux cartes communales dans un rapport de prise en compte et non de compatibilité. En outre, l’article 2 garantit la qualité du dialogue entre collectivités territoriales dans le cadre d’une gouvernance partagée du « ZAN », et l’effectivité du « droit de proposition » prévu par le Sénat dans le cadre de la loi « Climat-résilience ». Il propose que, dans les cas où les « conférences des SCoT » instaurées par la loi « Climat-résilience » et qui se sont réunies entre août 2021 et octobre 2022, ont transmis des propositions relatives à la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation à la Région, cette dernière justifie, avant de mener à bien la modification du SRADDET, de la manière dont il a été tenu compte des observations et propositions des communes et intercommunalités.

L’article 3 instaure une gouvernance décentralisée du « ZAN ». Il est proposé de renforcer la composition des « conférences des SCoT » déjà prévues par la loi, pour y améliorer la représentation des élus communaux et des intercommunalités, y compris n’appartenant pas au périmètre d’un schéma de cohérence territoriale, ainsi que des départements. Ce nouveau format de « conférence régionale de gouvernance » se verra confier quatre missions principales dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique de réduction de l’artificialisation des sols :

– effectuer un suivi régulier de la mise en application des objectifs de réduction de l’artificialisation au sein du périmètre régional, via un rendez-vous annuel examinant les trajectoires constatées et appréciant le respect des objectifs fixés, pouvant aboutir, le cas échéant, à une adaptation de ceux-ci ;

– animer la gouvernance de la territorialisation régionale, en formulant des propositions à destination de la Région dans le cadre de toute évolution des objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation des sols et de leur répartition territoriale ;

– participer à l’identification des grands projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt majeur, qui pourront être comptabilisés au sein d’une enveloppe nationale (voir article 4) ;

– participer à l’identification des projets d’ampleur régionale, qui pourront être mutualisés au sein de l’enveloppe régionale afin de mieux répartir leur impact entre les différents établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes (voir article 5).

Le chapitre II vise à accompagner la réalisation des projets structurants de demain.

L’article 4 vise à préserver la capacité de notre pays à réaliser les grands projets de demain, qu’ils relèvent de la décarbonation de notre économie et de nos transports, de notre souveraineté industrielle ou de besoins essentiels de notre société. Il prévoit de comptabiliser séparément, au sein d’une « enveloppe nationale », ces grands projets d’envergure nationale ou européenne, afin que leur impact en termes d’artificialisation ne soit pas imputé à la Région qui l’accueille et qu’ils ne se réalisent pas au détriment des autres besoins des collectivités de la région. Les projets concernés feront l’objet d’une inscription au sein du document régional, après avis de la conférence régionale de gouvernance prévue par l’article 4 de la présente proposition de loi, et feront l’objet d’un rapport périodique du Gouvernement au Parlement.

L’article 5 précise les conditions de mutualisation des projets d’ampleur régionale. Il permet aux communes et aux EPCI compétents, aux départements, ainsi qu’à leurs groupements, d’être force de proposition pour l’identification de ces projets. Leur mutualisation sera décidée par la Région, après avis de la conférence de gouvernance prévue par l’article 4 de la présente proposition de loi, et inscrite au sein du document régional. L’article 5 précise également que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à l’échelle d’un EPCI doit prendre en compte des projets d’intérêt intercommunal porté par les communes membres et les identifier au sein du PLUi – cette prise en compte étant déjà prévue, hors PLUi, au sein du SCoT.

Le chapitre III vise à mieux prendre en compte les spécificités des territoires.

L’article 6 améliore la prise en compte des efforts déjà réalisés par les collectivités territoriales pour réduire leur rythme d’artificialisation. Avant l’adoption de la loi « Climat-Résilience », de nombreuses collectivités avaient déjà fixé, dans leurs documents de planification, des objectifs très ambitieux de réduction de la consommation d’espace ; tandis que les territoires soumis à des règles d’urbanisme particulièrement strictes, comme les communes soumises à la loi Montagne, ont également connu un rythme d’artificialisation moindre. L’article 8 prévoit donc une meilleure prise en compte de ces efforts passés dans le cadre de la répartition de l’effort de réduction de l’artificialisation qui sera établie pour les décennies à venir. Il offre également une base légale à la mise en oeuvre future, le cas échéant, de « reports de droit » entre périodes décennales, pour les collectivités qui auraient réduit leur artificialisation davantage qu’il ne le leur était imposé.

L’article 7 offre à chaque commune la garantie que la mise en oeuvre du « ZAN » ne se traduira pas par une absence totale de droits à construire ou par un gel de son développement. Il impose la définition d’une « surface minimale de développement communal », c’est-à-dire d’une enveloppe de droits minimale garantie à chaque commune, qui devra être d’au moins 1 hectare. Ni la territorialisation opérée par le document régional et par le SCoT, ni les objectifs fixés par le PLUi, ni l’application « par défaut » de l’objectif de -50%, ne pourront résulter en ce qu’une commune dispose d’une enveloppe d’artificialisation moindre que ce plancher minimal. Cette disposition constitue une garantie forte pour les communes ayant consommé très peu de foncier au cours des dernières périodes, en particulier les petites communes et les communes rurales. L’article 7 prévoit également une meilleure prise en compte des spécificités de la ruralité à chaque étape de territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation.

L’article 8 prévoit la définition d’une « part réservée au développement rural » au sein des enveloppes fixées par les documents régionaux, les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux. Afin de prendre en compte les projets importants pour les territoires ruraux, qui ne pourraient être réalisés parce qu’ils impliqueraient un dépassement des objectifs de réduction de l’artificialisation, une partie de l’enveloppe régionale, territoriale ou intercommunale serait mise en réserve avant que n’intervienne la répartition de l’enveloppe. Cette « réserve à projets » pourrait ensuite être appelée, au fil de l’eau, par les communes et EPCI porteurs de projet d’intérêt pour le territoire, afin de complémenter leurs droits propres, le tout en assurant l’absence de dépassement des objectifs globaux fixés par le SCoT ou le PLUi. Cette « part réservée » n’inclut pas l’enveloppe correspondant à la surface minimale de développement communale qui sera garantie à chaque commune en application de l’article 7.

L’article 9 propose, dans l’esprit de la loi « Climat-Résilience » promulguée en août 2021, de concilier l’objectif de préservation de la nature en ville et du cadre de vie avec l’objectif de densification du tissu urbain existant et de recyclage foncier, sans lequel la « zéro artificialisation nette » ne pourra être atteinte. Il prévoit ainsi explicitement que les surfaces végétalisées à usage résidentiel, secondaire ou tertiaire (jardins particuliers, parcs, pelouses…) soient considérées comme non artificialisés, dans le double objectif d’inciter les constructeurs à préserver des îlots végétaux au sein de leurs projets futurs, et de ne pas pénaliser la renaturation. En parallèle, l’article permet aux communes et aux EPCI de délimiter, via leurs documents d’urbanisme et au sein des espaces urbanisés, des « périmètres de densification et de recyclage foncier ». Dans ces périmètres, l’utilisation des espaces végétalisés à fins de densification ne sera pas regardée comme de l’artificialisation : cela pourra servir, par exemple, la densification des lotissements, le recyclage des friches, ou le remplissage des dents creuses au sein des hameaux.

L’article 10 vise à ne pas faire subir une double peine aux territoires littoraux frappés par le recul du trait de côte. Il prévoit de décompter les parcelles rendues inutilisables en raison de l’érosion côtière de l’artificialisation constatée sur le périmètre de la commune, et de les considérer comme de la renaturation. En parallèle, les projets visant à relocaliser dans de nouvelles zones les aménagements et constructions des parcelles touchées par le recul du trait de côte ne seront pas comptabilisés au regard de l’artificialisation. Il s’agit d’une mesure d’équité au bénéfice de territoires particulièrement vulnérables au changement climatique, où les contraintes d’urbanisme sont par ailleurs déjà fortes du fait de l’application de la « loi Littoral ». L’article 10 prévoit par ailleurs une meilleure prise en compte des spécificités des communes littorales et des zones de montagne dans le cadre de la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation. D’autre part, ce même article 10 prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement relatif à l’application des objectifs « ZAN » aux territoires ultramarins. Les spécificités liées à leur insularité, à l’existence d’habitat informel, au cumul des législations protectrices du littoral et de la montagne, et aux enjeux de développement économique et touristique doivent être mieux prises en compte. Bien que les schémas d’aménagement régionaux (SAR) des territoires ultramarins ne soient pas tenus au même objectif de réduction de 50% du rythme d’artificialisation que les SRADDET, il importe toutefois de mieux anticiper l’existence d’enjeux spécifiques aux Outre-mer en vue d’atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » à l’échéance 2050.

Le chapitre IV prévoit les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN ».

L’article 11 incite l’État à établir et transmettre rapidement aux collectivités territoriales des données fiables et complètes sur l’artificialisation des sols et la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Ces données sont indispensables à la tenue d’un débat sincère et informé sur les objectifs de réduction qui seront fixés par les documents de planification, puis territorialisés. Les délais fixés par la loi pour procéder à ces arbitrages étant très courts, il est nécessaire que l’État soit plus diligent dans la mise à disposition des données de base, sous peine de contraindre les collectivités à un débat aveugle ou partiel. L’article 11 prévoit qu’à défaut de mise à disposition numérique et gratuite de ces données dans un délai de six mois, les collectivités territoriales soient autorisées à utiliser les données locales dont elles disposent pour mesurer l’atteinte de leurs objectifs de réduction de l’artificialisation. Nombre d’entre elles ont en effet établi de longue date des dispositifs locaux d’observation foncière.

L’article 12 met à disposition des élus communaux et intercommunaux qui en expriment le besoin deux outils visant à faire obstacle au phénomène de « ruée vers le foncier » qu’ils constatent déjà dans certains territoires, en anticipation de la mise en œuvre du « ZAN ». Avant que les documents d’urbanisme locaux ne puissent être modifiés, les élus sont contraints d’octroyer les permis conformes, même lorsque ceux-ci les conduisent à dépasser d’ores et déjà les objectifs de réduction de l’artificialisation qui viendront s’imposer à eux. L’article instaure donc un sursis à statuer spécifique, permettant à la commune ou à l’EPCI compétent de suspendre l’octroi d’un permis qui contreviendrait aux objectifs « ZAN ». Une fois que ces objectifs auront été intégrés aux documents d’urbanisme, il est aussi prévu que l’autorité compétente puisse refuser tout projet de nature à compromettre directement l’atteinte de ces cibles chiffrées. Enfin, l’article 12 prévoit également la possibilité pour ces communes et EPCI de préempter des terrains présentant de forts enjeux en matière de recyclage foncier ou de renaturation. Cela permettra aux collectivités du bloc communal de faire obstacle à la spéculation foncière ou à la captation par des acteurs privés du foncier revêtant une importance particulière pour les projets locaux.

L’article 13 prévoit enfin que les efforts de renaturation conduits par les collectivités territoriales dès l’adoption de la loi « Climat-résilience » seront pris en compte pour évaluer l’atteinte de leurs objectifs « ZAN ». En l’état du droit, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sera comptabilisée, sans que n’en soient déduites les surfaces renaturées. Pour mettre en œuvre dès aujourd’hui la logique de bilan « net », et de ne pas désinciter aux efforts de renaturation, il est important de modifier dès que possible le cadre juridique de la première période décennale sur ce point.

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